Le refroidissement récent des relations entre Israël et la Turquie a donné un coup de fouet important à la bataille juridique menée par les familles palestiniennes qui tentent d’empêcher que des colons juifs ne s’emparent de leur quartier à Jérusalem-Est.
AUTEUR: Jonathan COOK
Après l’attaque de l’armée israélienne contre la Bande de Gaza en janvier, les avocats des familles ont eu pour la première fois accès aux archives du cadastre ottoman à Ankara, leur fournissant ce qu’ils disent être la preuve que les titres de propriété produits par les colons sont des faux.
Lundi [23 janvier], les avocats palestiniens ont présenté les documents ottomans à un tribunal israélien, dont on attend qu’il confirme leur validité dans les toutes prochaines semaines. Les avocats espèrent que le processus d’expulsion d’environ 500 résidents de Cheikh Jarrah sera interrompu.
L’accès sans précédent des familles aux archives turques marque peut-être un tournant qui ouvrira la voie à la réussite d’appels par d’autres Palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie pris dans des litiges fonciers avec les colons et le gouvernement israélien.
L’intérêt pour le sort des habitants de Cheikh Jarrah a atteint son apogée en novembre dernier, lorsqu’un couple, Faouziya et Mohammed Al Kurd , a été expulsé de sa maison par un juge israélien. M. Al Kurd , atteint d’une maladie chronique, est mort quelques jours plus tard.
Ensuite, Mme Al Kurd , 63 ans, a organisé une protestation en vivant dans une tente installée sur un terrain vague près de son ancien domicile. La police israélienne a démoli la tente six fois, et Mme Al Kurd a reçu toute une série d’amendes de la municipalité de Jérusalem.
La famille Al Kurd et quelques-uns de leurs soutiens
Les problèmes auxquels sont confrontés Mme Al Kurd et les autres résidents proviennent des revendications juridiques de l’Association des juifs sépharades, selon lesquelles elle aurait acheté la terre de Cheikh Jarrah au 19ème siècle. Les groupes de colons espèrent expulser tous les habitants, démolir leurs maisons et construire à leur place 200 appartements.
Les organisations de colons considèrent l’emplacement comme stratégique parce qu’il est proche de la Vieille Ville et des lieux saints palestiniens.
Des diplomates étrangers, dont ceux des USA, ont protesté – ce qui est inhabituel - disant que l’expulsion des familles palestiniennes saperait les fondements d’une solution à deux États du conflit israélo-palestinien.
L’aide du gouvernement turc a été cruciale, cependant, parce que la Palestine faisait partie de l’Empire Ottoman quand les transactions foncières sont supposées avoir eu lieu.
Israël et la Turquie ont été de proches alliés militaires et politiques pendant des décennies et, traditionnellement, Ankara a évité de ternir leurs relations en s’impliquant dans les litiges fonciers dans les territoires occupés. Mais il semble qu’il y ait eu une volteface dans la politique du gouvernement turc depuis un incident diplomatique entre les deux pays au sujet de la récente opération israélienne à Gaza.
Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc, a accusé son homologue israélien, Ehud Olmert, de “mensonge” et de “coup de poignard dans le dos”, ulcéré, semble-t-il, qu’Israël ait lancé son opération militaire sans l’avertir. Au moment de l’attaque, la Turquie servait de médiateur dans des négociations de paix entre Israël et la Syrie.
Quelques jours après la fin de l’attaque sur Gaza, M. Erdogan a quitté furieux une réunion du Forum Economique Mondial en Suisse, après avoir accusé Shimon Peres, le Président israélien, de « savoir très bien comment tuer. »
Selon les avocats des familles de Cheikh Jarrah, la crise dans les relations s’est traduite par une plus grande ouverture d’Ankara pour les aider dans leur bataille juridique.
Faouziya Al Kurd
« Nous avons remarqué un changement spectaculaire d’atmosphère, aujourd’hui, quand nous rencontrons les responsables turcs, » dit Hatem Abou Ahmed, un des avocats de Mme Al Kurd . « Avant, ils n’osaient pas contrarier Israël et nous éconduisaient avec des excuses sur les raisons pour lesquelles ils ne pouvaient nous aider. »
Il dit que les avocats des familles ont finalement été invités aux archives d’Ankara en janvier, après qu’ils eurent présenté des demandes pendant plusieurs mois auprès du consulat turc à Jérusalem et de l’ambassade turque à Tel Aviv.
En Turquie, les responsables ont retrouvé les documents demandés par les avocats et ont pu déclarer sous serment que les revendications foncières des colons étaient des faux. La recherche dans les archives ottomanes, a dit M. Abu Ahmad, n’a pu retrouver aucun titre de propriété appartenant à un groupe juif pour les terrains de Cheikh Jarrah.
« Les responsables turcs nous ont également dit qu’à l’avenir, ils nous aideraient, quelle que soit l’aide dont nous aurions besoin, et qu’ils étaient prêts à rechercher des documents similaires concernant d’autres affaires, » dit M. Abou Ahmed. « Ils nous ont même demandé si nous étions à la recherche d’autres documents. »
Ceci pourrait s’avérer important puisque la municipalité de Jérusalem menace d’une nouvelle campagne de démolition de maisons contre les Palestiniens. La semaine dernière, Nabil Abou Roudeina, porte-parole du Président palestinien Mahmoud Abbas, a qualifié la récente émission de dizaines d’ordres de démolition à Jérusalem de « nettoyage ethnique ».
Les groupes juridiques palestiniens affirment régulièrement que les colons font des faux dans le but de saisir les terres de propriétaires palestiniens privés, mais il leur est très difficile d’apporter la preuve des falsifications.
À la fin de l’année dernière, l’agence de presse Associated Press a révélé une escroquerie de colons concernant la terre sur laquelle ils avaient bâti l’avant-poste de Migron, près de Ramallah, qui héberge plus de 40 familles juives. Les documents des colons avaient prétendument été signés par le propriétaire palestinien, Abdel Latif Sumarin, en Californie, en 2004, alors qu’il était mort en 1961.
Les familles de Cheikh Jarrah ont échoué dans leurs demeures actuelles après avoir été obligées de fuir le territoire qui est devenu Israël pendant la guerre de 1948. La Jordanie, qui contrôlait Jérusalem-Est jusqu’à son occupation par Israël en 1967, et les Nations Unies, avaient donné aux réfugiés des parcelles sur lesquelles construire leurs maisons.
Mme Al Kurd a dit qu’elle resterait sous sa tente jusqu’à ce que justice lui soit rendue.
« Ma famille est originaire de Talbiyeh, » dit-elle, se référant à ce qui est devenu aujourd’hui un des quartiers les plus riches de Jérusalem-Ouest. « Je n'ai pas le droit de revenir dans la maison dont je suis légalement propriétaire, mais on l’a donnée à des colons à qui elle n’a jamais appartenu. »
La maison de la famille Al Kurd. À droite leur appartement, à gauche celui des colons usurpateur.
Source de l'original : The National
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