lundi 16 février 2009

R. Williamson: «Je n'irai pas à Auschwitz.»

L’Hebdo Suisse publie, la traduction intégrale de l’interview accordée par Richard Williamson au journal Allemand Der Spiegel .

Richard Williamson: «Je n'irai pas à Auschwitz.»

Par Peter Wensierski, Steffen Winter

Extrémisme. L’évêque négationniste Williamson, dont le pape a levé l’excommunication, demande des preuves avant de renier ses thèses sur les chambres à gaz.

Le Vatican vous demande de rétracter votre négation de l’Holocauste et menace de ne plus vous permettre de reprendre vos activités d’évêque. Comment réagirez-vous?

Toute ma vie, j’ai cherché la vérité. C’est pour cela que je me suis converti au catholicisme et suis devenu prêtre. Aujourd’hui encore, je ne peux dire que ce dont je suis convaincu. Je réalise qu’il existe beaucoup de personnes intelligentes et honnêtes qui pensent autrement; je dois réviser une fois encore les preuves historiques. Je n’ai rien dit d’autre à la télévision suédoise: il doit s’agir de preuves historiques, pas d’émotions. Si je découvre ces preuves, je me corrigerai. Mais cela prendra du temps.


Comment un catholique éduqué peut-il nier l’Holocauste?

J’ai abordé ce sujet dans les années 80. J’avais lu à l’époque bon nombres de choses. En interview, j’avais cité le rapport Leuchter (une théorie de «démystification» produite dans les années 80 prétendant que les chambres à gaz des nazis étaient techniquement impossibles, ndlr), et sa théorie était plausible, selon moi. A présent, on me dit qu’elle est réfutée scientifiquement. Je prévois à présent de m’y plonger.


Vous pourriez vous rendre vous-même à Auschwitz.

Non, je n’irai pas à Auschwitz. J’ai commandé le livre de Jean-Claude Pressac, Auschwitz: Technique and Operation of the Gas Chambers (qui réfute les thèses négationnistes, ndlr). Un exemplaire doit me parvenir bientôt et je vais l’étudier.

La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X vous a envoyé un ultimatum pour la fin de février. Ne risquez-vous pas de rompre avec ce groupe?

Dans l’Ancien Testament, le prophète Jonas dit aux marins dont le bateau était en détresse: « Prenez-moi et jetez-moi à la mer; ainsi la mer se calmera; car je sais que cette tempête vous menace par ma faute.» La fraternité a une mission religieuse à remplir et elle souffre à cause de moi. A présent, je vais examiner les preuves historiques. Si je ne les trouve pas convaincantes, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour épargner dans l’avenir d’autres épreuves à l’Eglise et à la fraternité.
Que signifie pour vous la levée de votre excommunication par le pape Benoît XVI?

Nous voulons juste être catholiques, rien d’autre. Nous n’avons pas développé nos propres enseignements, mais nous préservons simplement les choses que l’Eglise a toujours enseignées et pratiquées. Et puis, dans les années 60 et 70 lorsque tout a changé au nom de ce concile (Vatican II, ndlr), c’était soudain un scandale. En conséquence, nous avons été relégués aux marges de l’Eglise. A présent, des églises vides et un clergé vieillissant montrent que ce fut une erreur, et nous revenons vers le centre. C’est le chemin que nous suivons, nous les conservateurs: l’avenir nous a donné raison, il fallait juste attendre le temps nécessaire.
Au Vatican, on dit qu’on ne vous connaît pas. C’est vrai?

La plupart de nos contacts passent par l’évêque Fellay et le concile général, dont je ne suis pas membre. Mais trois des quatre évêques que nous sommes ont assisté à un dîner du cardinal Castrillón Hoyos en l’an 2000. L’objectif était de faire connaissance, mais nous avons bien sûr parlé des questions théologiques et même de philosophie. Le cardinal fut très amical.

Le concile Vatican II représente l’une des grandes réussites de l’Eglise catholique. Pourquoi ne le reconnaissez-vous pas pleinement?

Ce que nous sommes supposés reconnaître n’est pas clair du tout. Un document important porte le nom de Gaudium et Spes, ou joie et espoir. A l’intérieur, les auteurs s’extasient sur la capacité du tourisme de masse à réunir les gens. Mais, du point de vue d’une société conservatrice, on peut difficilement se réjouir des tours opérateurs. Puis, le rapport évoque les craintes et les difficultés. Et une guerre nucléaire entre superpuissances est abordée. Vous voyez, beaucoup de tout cela est bien dépassé. Ces documents du concile sont toujours ambigus. Parce que personne ne savait au juste ce qu’ils voulaient dire, chacun ayant commencé à faire un peu comme il voulait après le concile. Cela a conduit au chaos théologique actuel. Que sommes-nous censés reconnaître dans tout cela? L’ambiguïté ou le chaos.


Etes-vous conscient, en fait, que vous divisez l’Eglise avec vos visions extrémistes?

Seule la violation des dogmes, c’est-à-dire le principe de l’infaillibilité papale, détruit la foi. Le concile Vatican II avait dit qu’il ne promulguerait pas de nouveau dogme. Aujourd’hui, les évêques libéraux agissent comme s’il s’agissait d’une sorte de superdogme portant sur tout et rien, et ils l’utilisent comme justification d’une dictature du relativisme. Cela contredit les textes du concile.


Votre position sur le judaïsme est uniformément antisémite.

Saint Paul a formulé la chose ainsi: les Juifs sont aimés à cause de leurs pères, mais sont nos ennemis selon l’Evangile.


Pensez-vous sérieusement pouvoir vous servir de la tradition catholique et de la Bible pour justifier votre antisémitisme?

L’antisémitisme signifie plusieurs choses aujourd’hui; par exemple, lorsqu’on critique l’action israélienne dans la bande de Gaza. L’Eglise a toujours défini l’antisémitisme comme le rejet des Juifs à cause de leurs racines juives. Ce qui est condamné par l’Eglise. Par ailleurs, cela peut sembler évident dans une religion dont les fondateurs et tous les personnages importants dans son histoire à l’origine sont des Juifs. Mais il semblait clair aussi, du fait du grand nombre de Juifs chrétiens à l’aube du christianisme, que tous les hommes avaient besoin du Christ pour leur salut. Tous les hommes, y compris les Juifs.


Le pape ira prochainement en Israël où il prévoit de visiter le mémorial de l’Holocauste. Y êtes-vous opposé?

Faire un pèlerinage en Terre sainte est une grande joie pour les chrétiens. Je souhaite tout de bon au Saint-Père pour son voyage. Ce qui me dérange à propos de Yad Vashem est que le pape Pie XII y est attaqué, alors que pas un homme n’a sauvé plus de Juifs que lui pendant la période nazie. Par exemple, il a fait émettre des certificats de baptême pour des Juifs persécutés, afin d’éviter qu’ils soient arrêtés. Ces faits ont été tordus depuis pour leur faire dire le contraire. Sinon, j’espère que le pape aura aussi un regard et un cœur pour les femmes et les enfants qui ont été blessés dans la bande de Gaza, et qu’il parlera en faveur des chrétiens de Bethléem, désormais emmurés.


Vos déclarations ont gravement blessé et insulté le monde juif. Pourquoi ne vous excusez-vous pas?

Si je réalise que j’ai fait une erreur, je m’excuserai. Je demande à toute personne de me croire quand je dis que je n’ai pas déclaré délibérément des choses fausses. J’étais convaincu que mes commentaires étaient précis, fondés sur mes recherches dans les années 80. A présent, je dois tout revoir à nouveau et me pencher sur les preuves.


Reconnaissez-vous les droits de l’homme?

Lorsque les droits de l’homme ont été reconnus en France, des centaines de milliers de personnes y ont été tuées. Lorsque les droits de l’homme sont considérés comme un instrument d’Etat pour s’imposer, cela débouche toujours sur des politiques contre les chrétiens. Lorsqu’ils permettent de préserver la liberté de conscience individuelle contre l’Etat démocratique, alors les droits de l’homme remplissent une fonction importante. L’individu a besoin de ces droits contre un pays qui se comporte comme un léviathan. Mais la conception chrétienne de l’Etat est différente, en sorte que les théories chrétiennes de droits de l’homme soulignent que la liberté n’est pas une fin en soi. L’objectif n’est pas de s’affranchir de quelque chose, mais pour quelque chose. Pour le Bien.


Vos déclarations et la levée de votre excommunication ont provoqué des protestations dans le monde entier. Pouvez-vous le comprendre?

Une seule interview donnée à la télévision suédoise a dominé les informations pendant des semaines en Allemagne. Oui, cela me surprend. Est-ce la même chose en Allemagne chaque fois que la loi est violée? Probablement pas. Non, je ne suis que l’instrument d’une action dirigée contre la fraternité et le pape. Apparemment, les catholiques de gauche allemands n’ont toujours pas pardonné le fait que Ratzinger devienne pape.

© Der Spiegel. Traduction: Michel Beuret.

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